mardi 10 mars 2009

Le Pôle emploi claque 16 millions avant de passer au boulot

(Le Canard Enchainé du 4 mars 2009)










Il n’y avait rien de plus pressé : avant même la création de Pôle emploi, nouvelle structure née de la fusion ANPE-Unedic, le ministre de l’économie avait lancé un appel d’offres de 16 millions d’euros pour que des boites privées l’aident à organiser sa direction générale. U, premier « lot » de 8 millons a été distribué au duo américain McKinsey et Accenture, qui, à coup sûr, va insuffler dynamisme et créativité dans ces vieilles structures forcément poussiéreuses.

Les résultats sont éblouissants. Après plusieurs mois de travail, et un chèque de 8 millions en poche, ces spécialistes de l’organisation ont pondu un organigramme que « Le Canard » s’est procuré, malgré son contenu hautement « confidentiel ». Un avertissement prévient qu’il est interdit de le diffuser ou de le reproduire à l’extérieur de « l’entreprise » (sic). Cela aurait été dommage.

Toute la boite à outils a été déballée dans ce document de 86 pages. On y trouve, bien sûr, un directeur général, Christian Charpy. Celui-ci est flanqué d’un directeur de cabinet (question de standing), de 6 directeurs généraux adjoints, de 2 adjoints aux directeurs généraux adjoints. Auxquels s’ajoutent 31 directeurs, 13 adjoints à ces directeurs, 91 chefs de départements, et on en passe … Soit au total 1 galonné sur 5 employés de la direction générale.

Chômage et fromage.

Ce chef d(œuvre de bonne gouvernance offre aussi quelques incongruités plusieurs sous-directeurs sans directeur et des services entiers qui se sont vu attribuer les mêmes prérogatives que leurs voisins de bureau. Voilà qui donne lieu à de charmants pugilats devant la machine à café.

En principe le Pôle emploi est un service public. Sarko a dû oublier de l’expliquer aux gourous de McKinsey et Accenture, vu qu’ils ont prévu une « Direction Marketing » et une « Direction Clients ». Les « clients » en question ce sont évidemment les chômeurs. En règle générale, les titres donnés à ces directions évoquent plus l’ambiance au sein d’un multinationale que la sollicitude envers les exclus: «Maîtrise du risque », « Pilotage et performance », etc. Pas une direction, en revanche, pour les jeunes ou les cadres à la recherche d’un job, les chômeurs âgés, les précaires, les femmes, etc. Sans doute le Pôle emploi se passionnera-t-il pour les chômeurs après les prochains « lots » de l’appel d’offres.

Ils sont en tous cas près de 70 000 chômeurs à attendre depuis plusieurs semaines le versement de leurs allocations et, dans certains secteurs comme celui du spectacle, c’est en mois que se mesurent les retards. On est loin de l’objectif assiché en octobre par Sarkozy : « Offrir aux demandeurs d’emploi comme aux entreprises un service plus performant ».

Pourtant les dirigeants de cette nouvelle structure n’ont pas chômé. Avant l’épisode de l’organigramme à 8 millions, ils avaient signé un chèque de 500 000 euros à une autre boite privée pour qu’elle invente un nom et un logo.

Avis aux amateurs : il y a encore au moins 8 millions à croquer pour fignoler cette fusion. Comme quoi il n’est pas nécessaire de pointer aux Assédic pour gagner des sous avec le chômage…

Alain Guédé (Le Canard Enchainé du 4 mars 2009)

Aucun commentaire: